hyperboles 3 ("so vast a vacuity")

(
2017
)
Compositeur: Michael Edwards
Quatuor de saxophones (SATB) et dispositif électronique

Nous, humains, avons tendance à exagérer. Nous utilisons des hyperboles du genre « ce sac pèse une tonne », « j’ai tellement faim que je pourrais dévorer un bœuf » ou n’importe quelle blague toujours hilarante (!) sur le thème « ta mère est tellement grosse que... » Et les artistes sont peut-être encore pires à cet égard que les joueurs de football (« J’ai frappé le poteau. J’ai été éviscéré. ») Avez-vous déjà assisté (et souffert en silence « jusqu’à en mourir » peut-être?) à une lecture de poésie contemporaine, le récitant exposant ses états d’âme à travers une litanie de sous-textes qu’on peut résumer par « moi, moi, moi! Je suis tellement intense et intelligent! »? De telles occasions ne font souvent que simplement renforcer la perception populaire selon laquelle toute production artistique est le vecteur des émotions du créateur. Mais c’est moins intéressant qu’une invitation faite par des œuvres d’art à socialiser, communier et, en même temps, à réfléchir à nos réactions personnelles, émotives, peut-être, devant des objets intrinsèquement neutres.

La superbe hyperbole qui s’impose parfaitement devant cette œuvre, avec ses vastes « vacuités » dans les proportions formelles et la relation entre les notes et les silences, est l’extrait suivant d’un article sur la culture du sud des États-Unis écrit il y a une centaine d’années. C’est le genre de texte que l’on peut lire aujourd’hui à propos de la culture populaire, télévisuelle, sur Internet, et il est rassurant de savoir que nous avons de toujours pris autrui de haut tout en soulignant les failles que nous observons chez lui.

« En fait, contempler une telle vacuité donne le vertige. On pense aux espaces interstellaires, à la colossale immensité de cet éther dont on sait aujourd’hui que c’est un mythe. Presque la totalité de l’Europe pourrait se couler dans cette région démesurée de fermes branlantes, de villes de seconde main et d’encéphales figés : on y mettrait la France, l’Allemagne et l’Italie qu’il resterait encore de la place pour les îles britanniques. Et pourtant, malgré toute cette place, toute cette richesse et tous ces “progrès” dont on se gargarise là-bas, c’est aussi stérile, artistiquement, intellectuellement, culturellement, que le désert du Sahara. » (H.L. Mencken, The Sahara of the Bozart; traduction, http://agone.org/revueagone/agone31et32/enligne/12/index.html)

Voici donc une construction artistique purement intellectuelle, vide de tout contenu émotionnel, quel qu’il soit. La réflexion s’impose.  

Michael Edwards